Installé dans ce qu’il considérait comme sa chambre à la Confrérie, le Crapaud était devant l’un de ses innombrables jeux vidéo, un bol de croustilles d’un côté, un pot de Nutella de l’autre. Il était tellement pris par son jeu qu’il gesticulait sur place, criait, lançait des projectiles sur la télévision. Bref, il faisait un enfant de lui-même. Sa langue lui permettant d’attraper les croustilles d’un côté et de les tremper dans le Nutella de l’autre, il n’avait même pas besoin de faire de pause. C’est pourquoi, alors qu’il criait ainsi depuis déjà plusieurs heures, il n’entendit pas les bruits de pas de Magneto qui se dirigeait vers lui.
En fait, s’il n’y avait pas eu de ressort métallique dans le sofa, il s’en serait sans doute mieux tiré, mais son mentor n’avait pas vraiment de patience pour le moment, et ce ne fut que lorsque le Crapaud sentit son confortable siège tenter de l’écraser en se pliant sur lui qu’il comprit enfin ce qui se passait. Une chance que sa colonne vertébrale était celle d’un batracien, lui permettant une telle flexion que ses jambes se retrouvaient de chaque côté de son corps lorsqu’il se penchait vers l’avant, mais sortir du fauteuil plié ne l’aida pas à avoir l’air brillant. Poussant avec ses mains sur les appuie-bras, il finit par s’extirper du sofa meurtrier, sous le regard mi-sérieux, mi-amusé de Magneto
-J’ai une mission pour toi Mortimer. Tu vas devoir faire un tout petit voyage en Angleterre pour trouver quelque chose pour moi.
Fier de servir son mentor, le Crapaud se déplia lentement, s’étirant vers l’arrière rapidement avant de regarder son interlocuteur, se demandant dans quel genre de mission il pouvait bien aller. Depuis quelque temps les activités de la Confrérie étaient réduite : Magneto n’étant pas souvent là, et Hypermusic ne pouvant pas sentir le Crapaud ou presque, il était rare que quelque chose se passe pour lui. Une mission pareille lui ferait du bien, c’était certain.
-Quel genre de mission ? Quel genre d’abrutis je dois massacrer ?
-Du genre savant. Selon mes sources, une petite filière d’une organisation que je n’arrive pas à retracer semble avoir mis au point un sérum anti-mutant, ou est en train d’en développer un, je n’ai pas les détails. On nous considère comme un virus à exterminer, nous qui sommes l’évolution. C’est inacceptable. Je te fais confiance Mortimer, arranges toi pour que ce sérum disparaisse ou que ceux impliqués dans sa création meurent. Dans le pire des cas, réduit leur effectifs le temps que j’organise quelque chose de plus… stratégique.
Le Crapaud sentait la rage de son supérieur, il la sentait en lui, la colère jaillissant de ses propres souvenirs. Bien longtemps les humains avaient voulu le voir mort, simplement parce que sa peau possédait une tonte plus verdâtre. C’étaient tous des imbéciles, et ils méritaient de mourir. Ces savants les voyaient sans doute comme une abomination, alors qu’ils représentaient au contraire l’évolution, la chance de salut de leur race. N’étaient-ils pas les formes de vie les plus évolués sur Terre ? Reprenant sa bonne vieille veste pare-balles trouée de toute part, il commença à s’équiper, rangeant une bonne vieille lame dans un fourreau avant de l’accrocher à sa ceinture. Il n’avait jamais été du genre stratège, mais la subtilité, il pouvait s’arranger. Même si sa force consistait surtout sur des frappes éclairs suivi de repli, il pouvait bien faire face à quelques savants fous en sarrau blanc.
-D’accord Erik… J’espère que… je peux t’emprunter une sphère au moins pour le déplacement ?
-Tout à fait, et elle restera en place jusqu’à ton retour, puis elle te ramènera près d’ici. N’échoue pas. Tu es l’un des plus vieux ici, et je n’aimerais pas te revenir avec un échec.
Le crapaud savait très bien à quoi s’en tenir. Malgré tout le respect qu’il avait pour Magneto, celui-ci restait son patron, son idole, son modèle, et il le respectait beaucoup trop pour oser se présenter devant lui avait autre chose que la victoire totale. Il ne savait pas que l’homme qui se tenait devant lui n’en avait pas grand-chose à faire de son sort : en fait, le Crapaud se pensait privilégié d’une telle amitié, mais ce lien était à sens unique. Il n’était, pour Magneto, qu’un sous-fifre, mais un sous-fifre efficace et loyal.
Une fois prêt à partir, c’est-à-dire avec ses quelques équipements, Erik lui remit un papier contenant les quelques informations qu’il avait capté. Le Crapaud suivit ensuite son patron vers l’extérieur, ou son moyen de transport était dissimulé. Au moins n’aurait-il pas à attendre des heures avant de se rendre sur le vieux continent. Il savait très bien se débrouiller autant en milieu naturel qu’en ville, quoique la première option lui était préférable, mais il voulait éviter d’attirer tout de suite l’attention. Après tout, une bestiole verte qui sautille de maisons en maisons ne passe pas forcément inaperçu. En se concentrant, Magneto fit léviter, de ce qui paraissait à l’extérieur un tas de feuilles et de branchages, une des sphères de transport. Celle-ci, sous l’influence du pouvoir du leader de la Confrérie, se déposa doucement sur le sol, à quelques pas d’eux. Une porte presque invisible s’ouvrit, permettant au Crapaud de prendre place. Les deux hommes n’avaient plus besoin de parler, ils savaient tous deux à quoi s’en tenir. La porte se referma quelques instants plus tard, et le Crapaud ferma les yeux. Il en avait pour un petit moment avant d’être parvenu à destination.
** Quelques heures plus tard. **
Revigoré par sa sieste, le Crapaud ouvrit les yeux paresseusement alors qu’il sentait la sphère entamer une descente. Il n’avait pas la moindre idée où il serait déposé exactement, le contrôle des sphères étant réservé à Magneto, mais il savait qu’il n’atterrirait pas très loin. Dépliant doucement le papier donné par son mentor (en s’était évidemment essuyé les mains au préalable), il nota les quelques informations qui s’y trouvaient. Des coordonnées géographiques qui ne voulaient pas dire grand-chose pour lui, des chiffres qu’il interpréta comme des étages (sans doute une tour), et un nom, un certain Longstride. Ce nom ne lui évoquait absolument rien, mais encore là, le Crapaud n’était pas du genre à se tenir informé des nouvelles du jour. Ce brillant savant pouvait peut-être accomplir un tel exploit, celui de faire régresser le gêne mutant, mais pas si la Confrérie avait son mot à dire.
La première étape était de trouver un GPS, peu importe où, qui lui permettrait d’interpréter les coordonnées qui se trouvaient sur le papier. De toute façon, puisque les étages semblaient signifier une tour, l’institut de recherche devait se trouver dans une grande ville. Le soleil se couchait à l’horizon, alors au moins le Crapaud pourrait bénéficier de la noirceur des environs pour voler ce qu’il avait besoin. Notant à quelque part dans sa tête la position de la sphère de métal avant de la dissimuler sous quelques branches et feuilles (le camouflage n’était pas parfait, mais si on ne la cherchait pas, on ne la trouverait pas), il se dirigea vers le peu de bruit qu’il entendait, à savoir une route peu fréquentée à cette heure.
Il avait de la chance : Magnéto lui avait permis de se rendre près d’une ville sans toutefois être trop près pour que les habitants aperçoivent son arrivée. Le soleil qui disparaissait graduellement dans l’horizon lui offrait la couverture nécessaire à ce qu’il ne se fasse pas « trop » remarquer. Bondissant de cachette en cachette, la route le mena vers une petite ville. La population ne devait pas être énorme, c’était loin d’être New-York, mais ça pouvait convenir à ses recherches. Il n’avait pas besoin de beaucoup de choses en fait : un GPS, même de piètre qualité, pouvait comprendre des coordonnées géographiques. Une enseigne attira son attention, et quelques bons furent suffisant pour qu’il se rende en face du magasin, maintenant debout. Sa peau verdâtre ne paraissait pas trop au travers de ses vêtements sales, et il avait plus le look itinérant qu’autre chose, mais si quelqu’un s’approchait trop, ce serait le drame. Utilisant la poigne de son couteau, il donna un coup rapide et puissant dans la vitre… qui résista, laissant le Crapaud sautillant se secouer la main sous le choc. Un grognement s’échappa de lui avant qu’il ne règle le cas à cette vitre : en prenant la position d’un karatéka, il défonça d’un coup de pied la vitre qui protégeait le magasin. Une sirène se fit aussitôt entendre, assez stridente pour irriter les oreilles de Mortimer, mais il devait faire vite avant que la police ne rapplique. Bondissant à l’intérieur, il saisit, à l’aide de sa langue agile, un tas de paquet sur les étagères qu’il pensait être des GPS, avant de sortir rapidement, bondissant sur un toit rapidement avant de s’enfuir, d’une maison à l’autre, avant que les sirènes lumineuses au loin ne s’approchent trop de lui.
Ayant mis beaucoup de distance entre lui-même et la petite ville où il avait exécuté son larcin, le Crapaud déballa l’un des emballages pour ouvrir le GPS. Sans grande surprise, celui-ci refuse de démarrer, sous prétexte qu’il ne l’avait pas chargé. Les autres aussi ne s’allumèrent pas, pour la même raison. Rageant, écrasant les petites machines électroniques de ses pieds, le Crapaud en garda deux, ainsi que les fils permettant de les charger, avant de quitter sa nouvelle cachette, maintenant parsemé de morceaux informatiques.
La ville, encore une fois. La même ville l’accueillait à bras ouvert. Il jeta un coup d’œil du côté de la boutique qu’il avait dévalisé, et constata que la police était déjà là, récoltant les témoignages des témoins. La zone où le Crapaud avait frappé était délimité par un ruban jaune « Opération policière ». Ricanant de son méfait, il se rendit quelques rues plus loin avant de bondir sur un toit. L’avantage de sa condition était qu’il pouvait, la plupart du temps, faire ce qu’il voulait, et c’est exactement ce qu’il allait faire. Étant au sommet d’une maison, rien ne l’empêchait d’y entrer par effraction pour voler leur électricité. En se collant sur le mur doucement pour descendre jusqu’à une fenêtre, il observa l’intérieur de la maison sans voir personne. Il n’était pas très tard, sans doute près de 8h le soir, et rien ne lui confirmait que les habitants de l’endroit dormaient. Prenant une chance, il força avec ses pieds sous la fenêtre, question d’un peu de subtilité, pour que le loquet la retenant en place brise. Ses jambes possédant une force hors du commun, la fenêtre finit par s’ouvrir et il pénétra dans la maison.
Sa première idée était de rester tranquille et d’attendre un peu que ses GPS chargent un minimum avant de repartir, mais quelque chose l’en empêcha. En fait, dans la maison presque vide, il entendait des sons… ils étaient loin, mais définitivement dans la maison. Branchant ses deux appareils électroniques dans une prise quelconque, il se dirigea vers la source du bruit. Un adolescent d’environ 15 ans jouait à Left 4 Dead 2, jeu que le Crapaud appréciait particulièrement. Ne pouvant laisser filer une chance pareil, Mortimer s’installa sur le fauteuil à côté du gamin qui sursauta d’un coup.
-Qui tu es toi !
-Ta gueule et joue, t’as un jockey sur la gueule.
-Hein quoi ?
Le gamin se retourna vers le jeu, puis vers le Crapaud, puis vers le jeu. On voyait bien qu’il ne savait pas quoi faire de cette nouvelle situation, et comme il n’avait pas crié à l’aide encore, le Crapaud avait peut-être une chance de s’en sortir sans faire de grabuge.
-AAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHH
Tout faux. C’était croire que la peau verte, et le fait d’entrer par intrusion dans la maison, l’avaient effrayé. Un projectile visqueux et verdâtre, parvenu du fond de la gorge du Crapaud, vint emplir la bouche du gamin, stoppant net ses cris, mais peut-être que celui-ci avait alerté quelqu’un. Mortimer resta sur ses gardes, mais les GPS avaient besoin d’un peu de temps avant d’être opérationnel, et le gamin menaçait maintenant de s’enfuir en courant. Sa langue préhensile entoura aussitôt ses jambes et le ramenèrent sur le sofa, avant qu’une autre boule de crachat ne vienne immobiliser ses jambes, les collant au sol. Mortimer avait fait bien attention de le laisser en face de la télévision, et assez près de son siège pour qu’il puisse s’asseoir. Il n’était pas un connard après tout.
-Bon tu veux pas t’la fermer, on va faire avec. Avec ça tu risques pas d’parler, mais t’as encore tes mains et tu peux jouer. En attendant moi j’vais prendre Coach. Fais c’que tu veux.
Le gamin ne voulait rien savoir, et il s’efforçait de sortir ses pieds du crachat qui le retenait au sol. Mortimer avait déjà saisi une manette et s’échinaient à tuer tous les zombies qui lui fonçaient dessus. La scène étrange dura quelques minutes avant que le gamin, épuisé, ne s’installe sur le sofa… et finisse après quelques temps par prendre une manette. Les deux jouèrent en silence, le Crapaud par choix, le gamin par… manque de choix. Mortimer profita ainsi de ses quelques heures de jeux, et lorsqu’il finit par partir, il était environ minuit. Les deux GPS pourraient le guider jusqu’au lieu désiré sans problème. Il eut même la décence d’esprit de libérer le gamin lorsqu’il quitta sa maison. Il ne semblait plus en panique, mais comme le Crapaud ne tenait pas à le tuer, le libérer était la seule alternative. Quittant donc la maison en passant par la fenêtre, il disparut dans la nuit, laissant le gamin, toujours un peu sous le choc, recracher la masse verdâtre qui s’était liquéfié et libérer ses pieds, avant de prendre le téléphone pour contacter dieu sait qui, papa, maman, police, enfin… il aurait une bonne histoire à raconter, et personne pour le croire.
Le GPS allumé, le Crapaud entra les coordonnées données par Magneto dans celui-ci pour pouvoir enfin se diriger vers son objectif. Comme le lui avait assuré son supérieur, la boule métallique de transport l’avait amené à quelques kilomètres de la zone, et le Crapaud n’aurait besoin que d’une heure ou deux de sauts en longueur avant d’atteindre la tour en question. Il trouvait étrange cependant que la tour soit éloignée des villes : un bâtiment de cette taille ne devait pas être évident à dissimuler. La nuit noire lui permettrait au moins d’entrer discrètement dans ce centre de recherche pour mettre fin à leur ignoble projet.
Tel ne fut pas sa surprise lorsqu’il arriva aux coordonnées prévues et qu’il ne trouva… rien du tout. En effet, il se tenait sur une espèce de plaine quelconque, des arbres çà et là comme seule décoration. L’herbe jaunie n’offrait qu’une vue désolante sur ce lieu éclairé uniquement par les rayons lunaires. Le Crapaud ne savait plus trop quoi faire devant cet environnement somme toute naturel. Une tour ne pouvait pas se cacher aux environs, c’était tout bonnement impossible. Allumant le second GPS, il entra les mêmes coordonnées, et une voix féminine informatisée lui dit : « Vous êtes arrivé ». Rageant, il le referma avant de le cacher dans ses poches. Il n’avait aucune idée que, pas très loin de lui, une petite caméra épiait ses faits et gestes.
** Dans la facilité de recherche. **
Des individus s’agitaient devant un écran d’observation, incapable de penser correctement. Un espèce de batracien sur deux pattes étaient assis directement au-dessus de leur facilité souterraine, mais il ne bougeait pas d’un pouce, à part quelques expressions de rage qu’il laissait échapper. Ce n’était pas un hasard qu’il ait choisi exactement cet emplacement, mais tant qu’il ne trouvait pas l’entrée, le centre de recherche ne risquait rien. Une voix grave et froide se fit entendre dans la salle de commande, paralysant les scientifiques affolés.
-Du calme s’il vous plaît. Il n’y a aucune raison de paniquer,
Ce mutant nous cherche, allons le trouver,
Bientôt il aura toutes les raisons de crier,
Car de son corps, ses entrailles, j’extirperai.
Les hommes en sarrau blanc n’attendirent pas que leur patron répète son commandement et retournèrent aussitôt à leur poste, essuyant la sueur qui perlait sur leur front. Celui-ci, confiant, se dirigea vers l’une des sorties du complexe souterrain, arme au poing, décidé à éliminer d’un seul coup la mouche qui se trouvait dehors.
** À l’extérieur. **
Impossible de savoir quoi faire dans cette situation, le Crapaud en était venu à la conclusion qu’il lui faudrait bien appeler ou contacter Magneto pour lui dire que ses informateurs s’étaient plantés. Il n’y avait pas de tour ici, pas de ville, pas de village, pas de route, rien. La facilité de recherche devait se trouver autre part, ou alors elle n’existait même pas. Alors qu’il se relevait dans l’intention évidente de quitter les lieux, des bruits de pas, provenant de quelques mètres derrière lui, le mirent sur ses gardes. Il n’était plus seul. L’endroit où il se trouvait fut soudainement illuminé, aveuglant les yeux habitués à l’obscurité de la nuit de Mortimer. De toute évidence, il ne s’était pas trompé.
-Qui est donc cette grenouille, cette peste,
Qui ne s’attend pas à son destin funeste,
Car à vouloir nos suivre, ce malheureux geste
L’amènera à trouver ses pitoyables restes.
-Hein ?
C’était quoi ça ? Funeste ? Peste ? Bon ses phrases avaient beau rimer, mais à part ça, elles ne voulaient rien dire. En fait si, elles signifiaient que le gentil monsieur derrière lui allait essayer de lui faire manger les pissenlits par la racine. Se retournant doucement, ses yeux enfin adaptés à la lumière le renseignèrent un peu mieux sur son interlocuteur. C’était un homme dans la quarantaine, la tête rasée, avec de petites lunettes devant les yeux. Son visage n’exprimait aucune émotion, pas plus l’envie meurtrière que la peur. Il ne semblait pas ressentir quoi que ce soit. Équipé comme un militaire endurci, il portait une veste pare-balles sur une tenue de camouflage un peu inutile dans toute cette lumière. Dans son dos, on pouvait distinguer la crosse d’une arme quelconque que Mortimer ne pouvait pas identifier. Plus il approchait, plus il constatait que son adversaire n’était pas un homme ordinaire. Sur toute sa peau visible, une lueur rougeâtre semblait visible, à peine perceptible, mais néanmoins là, et elle inquiétait un peu Mortimer.
Il ne fallut pas beaucoup de temps cependant avant que la personnalité de « casse-gueule » du Crapaud ne refasse surface, et il s’approcha de l’homme qui n’affichait toujours aucune émotion. Enfin un peu d’action, un peu de meurtre, un combat rapide et sans douleur, la belle vie quoi !
-Hey connard, tu viens de la facilité de recherche non ? Alors montre-moi la porte et comme ça on évitera la formalité de moi qui te lapide la tête.
Les deux ennemis étaient maintenant à quelques centimètres l’un de l’autre, se fixant dans les yeux, puis le poète amateur entama le combat de façon bien simple : un simple coup de poing, au visage, visant à mettre fin à cette mascarade d’un seul coup. C’était sans compter sur l’agilité du batracien qui évita le coup en se penchant vers l’arrière autant que son corps de grenouille le lui permettait. Cependant, lorsque le coup passa dans le vide, la lueur rougeâtre qui semblait toujours dangereuse se montra enfin : une flamme en forme de scie demi-circulaire jaillit de son bras droit, arme qui aurait coupé n’importe qui se trouvant là, le Crapaud y compris. La flamme possédait un trou en son centre, et tournait sur elle-même sans sembler irriter son propriétaire.
Mortimer, ne désirant pas voir sa précieuse langue coupée en deux, se laissa tomber au sol sur le dos avant de se propulser plus loin en arrière, en utilisant les jambes de son ennemi comme point d’appui, le faisant tomber à genoux. Maintenant à quelques mètres, il se redressa et s’installa en position de combat, mais son adversaire ne semblait pas souffrir le moins du monde de cette petite chute. La scie tournoyante sur son bras droit sembla se rétracter quelque peu, mais en fait, ce n’était que pour en faire surgir une nouvelle de son bras gauche. Les deux scies paraissaient un peu plus petite, et le Crapaud comprit qu’en en faisant apparaître deux, il limitait leur grosseur, mais améliorait ses chances de toucher. Alors que seul, son don faisait la longueur de son bras en entier, lorsqu’elles étaient deux, les scies faisaient la taille de son avant-bras.
N’était pas du genre patient, le Crapaud fonça sur sa cible qui se préparait à recevoir le coup. Il était rare que Mortimer ne prenne son temps pour quoi que ce soit, et dans les combats, il préférait finir rapidement ou s’enfuir. Il devait savoir si son adversaire pouvait supporter les coups de ses jambes, car équipé comme il l’était, il avait peu de chance de le toucher avec ses poings. Son ennemi tendit les bras pour l’attraper au vol mais OHHHHH FEINTE ! Le Crapaud s’était laissé tomber sur le ventre en faisant une roulade pour passer entre ses jambes, son agilité incroyable lui permettant de faire une telle manœuvre rapidement. Derrière son adversaire, il tendit enfin une jambe afin de le frapper dans le dos. Son adversaire, qui se retournait lentement, fut frappé de plein fouet, mais il continua son mouvement en tentant de saisir le pied à l’aide de l’une de ses mains. C’était trop lent pour Mortimer qui bondissait déjà par-dessus la tête de son adversaire, frappant son épaule avant d’atterrir plus loin de façon fort peu gracieuse.
Pourquoi peu gracieuse ? Parce que ses deux coups avaient touchés sa cible, mais avaient secoués le Crapaud tout autant. Il aurait pu aussi bien frapper un mur de brique, ça aurait été pareil. Sautillant dans tous les sens en tenant son pied, il n’aperçut qu’au dernier moment que son ennemi avait profité de sa douleur pour lui foncer dessus à la manière d’un taureau. Son épaule frappa Mortimer au ventre, lui coupant le souffle, et l’envoya valser plus loin. Continuant dans son élan, le mutant aux scies de flammes courut jusqu’à son ennemi, tentant cette fois de lui ouvrir le ventre avec son don.
La langue préhensile du Crapaud l’accueillit en plein visage, visant ses yeux, le faisant ralentir quelque peu. Ce fut assez pour que Mortimer reprenne son souffle et se relève. Il affrontait une véritable montagne, mais Magneto lui avait confié une mission, et il n’avait pas l’intention de se désister. C’est dommage, car ce mutant possédait un don extraordinaire et s’il avait rejoint la Confrérie, sans doute aurait-il pu se montrer utile.
La langue maintenant bien en place dans son gosier pour la protéger des scies enflammées, les deux adversaires entamèrent un long duel dans lequel l’avantage semblait incertain. Autant parfois les coups du Crapaud semblaient affecter ce titan de muscle, autant celui-ci, lorsqu’il parvenait à toucher son adversaire, le mettait hors d’état pendant plusieurs précieuses secondes. Essoufflé, blessé, Mortimer pensait qu’il serait mieux pour lui de s’enfuir, mais à cet instant précis, une lame de feu l’atteignit, tranchant sa chair le long de l’avant-bras. Le sang coagula presque instantanément à cause de la haute chaleur, mais ça n’empêcha pas le Crapaud de pousser un cri de douleur. Son adversaire, lui, souriait, et de son autre main s’apprêtait à porter le coup de grâce.
Mais Mortimer n’était pas parti les mains vides. Il avait amené avec lui une dague, qu’il gardait bien caché dans une poche interne. Sa langue la saisit et vint rapidement frapper son ennemi à un endroit qu’il aurait sans doute bien du mal à protéger : un œil.
Un flot de sang apparut aussitôt sur le visage de son adversaire qui recula, les deux mains serrées contre son visage. Il ne serait pas en état de porter le coup de grâce, mais cette douleur provoqua chez lui un éclat de rage berserk comme le Crapaud en avait rarement vu. Agitant les bras dans les deux sens, les scies enflammées plus dangereuses que jamais, il fonça sur le Crapaud qui n’avait d’autre choix que de bondir pour échapper aux flammes. Il ne fit que quelques mètres avant d’entendre le bruit d’une arme qu’on chargeait. Oh misère, la crosse qu’il voyait dans le dos du mutant, il allait lui tirer dessus ! Se plaquant aussitôt au sol, ayant mis, l’espérait-il, assez de distance entre son ennemi et lui, Crapaud cracha derrière lui et forma une petite masse de colle verdâtre. Alors que les coups de feu se firent entendre, certaines balles sifflèrent près du Crapaud, mais celles qui devaient le toucher furent arrêtées par son crachat.
Il en profita pour regarder l’état de son bras. Il devrait faire attention dans les jours qui viennent, et peut-être même devrait-il aller voir le docteur… erk… il aimait mieux faire confiance à sa régénération, quoique lente, mais qui fonctionnait tout de même bien. Il entendit le bruit d’un chargeur qui tombe sur le sol, puis celui d’un chargeur qu’on enclenche et finalement d’un chargeur qu’on vide, et de nouveau il entendit les balles siffler près de lui. Son ennemi visait bien malgré son œil perdu, mais pour le Crapaud, une idée folle traversa son esprit, et il n’avait qu’à attendre un peu pour la mettre en action.
Chargeur au sol, chargeur enclenché, crachat du Crapaud dans le canon, et BOUM ! L’énergie comprise dans le canon qui n’ayant aucun échappatoire, cela fit exploser partiellement le canon de l’arme, la rendant inutilisable. Ça n’avait pas blessé son propriétaire comme dans les dessins animés, mais au moins il ne pouvait plus faire feu. Baissant son arme, le soldat, qui avait repris son calme, entonna un autre de ses idiots de poèmes :
-La bestiole agile m’a drôlement blessé,
Pour ça je vais en faire du bon pâté,
Pour mes chiens qui le dévoreront,
Il ne restera de lui que désolation.
-Ça rime même pas connard !
Le bond du Crapaud l’amena près de son adversaire qu’il frappa au corps d’un solide coup de pied. Il aurait cependant dû prendre le temps d’analyser la situation : le guerrier n’avait aucune scie enflammé apparente pour la simple bonne raisons que des centaines de petites scies parcouraient son corps. Ses vêtements avaient été découpés par celles-ci, et excepté une paire de bobettes qui survivait tels les shorts de Hulk, il était flambant nu. Tout ça pour dire que le pied de Mortimer frappa bien sa cible, cassant sans doute au même moment une côte, mais il frappa une scie qui transperça aisément sa chaussure et sa peau. Un brusque coup de poing de son adversaire l’envoya contre un arbre avec un bruit peu agréable. Le Crapaud commençait à se sentir étourdi, et maintenant blessé au pied, ses bonds n’auraient sans doute pas la même précision.
-Alors comme ça c’est toi le type qui veut descendre les mutants hein ?
-Si on veut, répondit son adversaire, lui-même cherchant à reprendre son souffle, une main à l’endroit où le Crapaud avait frappé. Les mutants sont dangereux, moi le premier, et ils ne méritent pas de fouler cette terre.
-Tu t’en donnes bien le droit toi, alors que t’es un mutant aussi. Un mutant particulièrement laid, mais un mutant quand même.
-Humph. Je n’ai que faire de tes commentaires, vils batracien. De toute façon, pourquoi t’écouterais-je, alors que dans un instant tu ne seras plus qu’un souvenir.
-Ça c’est c’que tu crois gros babouin, mais j’ai pas fini de danser. Ta tête va se retrouvée enfoncée dans le sol, et j’te mettrai des coups de pieds au cul, tu vas voir !
Et le combat reprit aussi soudainement qu’il avait arrêté. Mortimer tentait de limiter les actions de sa jambe, mais les scies qui parcouraient le corps de son adversaires rendaient ses attaques très difficile, alors que son adversaire, moins menaçant puisque son don était utilisé de façon défensive, pouvait lui infliger de douloureuses blessures. Utilisant son agilité au maximum, le Crapaud évitait les coups de son adversaire jusqu’à ce que celui-ci essaie de lui faire un ciseau de main. En équilibre sur une main, ses deux pieds interceptèrent les bras de son ennemi, et un combat de force commença : lui, tentant de l’écraser et Crapaud, faisant tout pour que ça n’arrive pas. La tête à l’envers, ses jambes déjà détendues, il ne pouvait pas utiliser toute sa force pour se protéger, mais une idée saugrenue apparut dans son esprit. Penchant la tête vers l’avant (donc vers le haut puisqu’il était à l’envers), il cracha sur son adversaire. Il avait essayé de le faire à quelques reprises et à chaque fois les scies l’en avaient empêchés, mais comment allait il bloquer du crachat dans ses narines ?
Le mutant cria encore en reculant, tentant désespérément de retirer le crachat solide qui emplissait son nez. Le Crapaud ne se fit pas attendre et frappa aussitôt sur son adversaire déconcentré, l’envoyant au tapis d’un coup sous le menton. La dague réapparut aussitôt dans sa langue préhensile, et alors que les scies ardentes plus nombreuses que jamais émirent une lumière plus vive et plus fortes, la dague toucha sa cible près de l’endroit où le pied de Mortimer venait de frapper : dans la gorge.
Le mutant tentait de respirer, mais le destin était fait : sa gorge tranchée, il ne pouvait plus rien faire à part qu’attendre que la mort ne vienne le quérir. Le Crapaud utilisa la dague et acheva d’un coup rapide son adversaire, n’ayant aucun respect pour les humains, mais tout de même un peu pour les mutants, même s’ils étaient ses ennemis. Il marcha un peu, s’éloignant des lumières vives qui s’étaient allumés au tout début du combat, et déchira ce qui lui servait de chandail pour bander au mieux son bras blessé. Il devait faire attention, car d’autres combats pouvaient l’attendre à l’intérieur. Encore fallait-il qu’il trouve l’intérieur sur ce terrain.
Se rappelant à peu près d’où son adversaire était sorti, il se dirigea vers cet emplacement et chercha un signe quelconque d’un passage récent. Des feuilles mortes, du gazon jauni, et les lumières qui continuaient de l’éclaire furent les seules choses intéressantes qu’il trouva à première vue. Pourtant son ennemi ne s’était pas téléporté, il devait bien venir de quelque part. Retournant près du cadavre, il creusa un petit trou dans la terre où il enfonça la tête de celui-ci avant de lui mettre un grand coup de pied dans l’arrière train. Promesse tenue ! Il le fouilla rapidement par la suite, mais ne trouva rien qui pouvait l’informer sur la façon d’entrer.
Tout à coup, les lumières s’éteignirent, laissant place de nouveau à l’obscurité nocturne. Ses yeux s’adaptèrent tout de suite à cette nouvelle faible luminosité, alors qu’il retournait à l’endroit où son adversaire avait jailli. Son pied heurta quelque chose lorsqu’il arriva à destination, et il se retourna aussitôt, regardant le sol. Les feuilles semblaient plus sèches à cet endroit, comme si elles y étaient depuis plus longtemps. Sautant sur les feuilles, il entendit un BING métallique. On aurait dit qu’il y avait un creux sous ses pieds. Les feuilles, qui auraient dû voler dans le vent, semblaient immobiles, comme collées au sol.
** Dans le centre de recherche. **
N’ayant pas vu la fin du combat, les scientifiques avaient décidé de fermer les lumières pour éviter d’attirer l’attention. Ils savaient que leur protecteur aurait tôt fait de mâter cet idiot, mais de savoir que leur complexe de recherche était peut-être découvert leur fichait la trouille. Lorsqu’une caméra infrarouge capta un mouvement se dirigeant vers l’entrée de leur repaire, ils poussèrent un soulagement de soupir avant de se remettre au travail. Si le mutant les trouvait en train de perdre leur temps, ils le paieraient très cher, et personne ne souhaitait mettre fin à sa vie pour le travail.
** Devant la trappe dissimulée. **
Le Crapaud finit par trouver un interrupteur caché en marchant de ça de là autour de la plaque de métal qui, l’espérait-il, le mènerait à sa cible ou ses cibles. Un levier tout dissimulé au niveau du sol pouvait pivoter sur son socle, ouvrait doucement la trappe de métal sans bruit. Le mécanisme devait être neuf ou très bien graissée. Se faufilant à l’intérieur, il vit un levier similaire qu’il fit aussitôt pivoter. La trappe se referma derrière lui, et il se retrouvait dans le noir total. Maudissant ses yeux qui, malgré leur capacité à détecter des lumières beaucoup moins visible que les humains, avaient besoin d’un minimum de lumière pour fonctionner, il avança à tâtons… et se heurta la tête aussitôt sur un morceau de pierre au plafond. Grognant, il se pencha avant de continuer, frottant rapidement le sommet de sa tête pour en chasser la douleur. Il ne faisait pas trop chaud ni trop froid, mais on pouvait sentir une certaine humidité, comme si le passage par ce tunnel était rare et que la porte était restée fermée presque sans arrêt.
Une idée traversa l’esprit du batracien alors qu’il saisit l’un des deux GPS de ses poches. L’allumant, celui-ci produit assez de lumières pour que les yeux nyctalopes (je savais bien qu’t’étais une salope) aident et permettent à Mortimer d’avancer sans encombre. Au fond du tunnel l’attendait ce qu’il cherchait : une porte avec une poignée qui lui permettrait sans doute d’entrer dans ce qui était le vrai complexe de recherche. Poussant la porte, il fit donc un premier pas dans ce qui semblait être une avancée technologique impressionnant.
Un laboratoire immense aux murs blancs, dissimulé sous le sol, avec des engins électroniques partout : des microscopes, des échantillons de substances quelconque, des machines immenses dont le Crapaud ignorait totalement l’utilité. Il y avait des centrifugeuses, de grosses cuves de liquide étrange et surtout plein d’yeux. Des yeux qui le fixaient intensément, puisque c’était ceux des nombreux scientifiques qui étudiaient et travaillaient à ce niveau. Le Crapaud, souriant à pleine dents, dit simplement :
-Bou !
Ce fut la panique générale. Une alarme retentit aussitôt et une lumière clignotante rouge se fit aussitôt percevoir. Les chercheurs courraient dans tous les sens, frappaient aux portes des murs pour qu’ils ouvrent plus rapidement, marchaient sur leurs confrères moins chanceux qui pleuraient au sol. C’est dire si sa peau verte faisait impression ici, surtout que sa présence signifiait autre chose : le protecteur avait été vaincu. Au moins, avec toute la lumière, Mortimer n’avait plus besoin de son GPS lampe-torche. Bondissant sur ses pauvres victimes, il s’amusait beaucoup, n’essayant pas forcément de faire des meurtres : son but était de s’amuser pour le moment. Il assomma ainsi plusieurs scientifiques jusqu’à ce que l’une des portes s’ouvre et que les fuyards en profitent pour disparaître par le couloir, remplacé par une petite troupe de soldat, l’arme au poing. Si le Crapaud ne faisait pas vite, il serait bien vite criblé de balles et sa propre veste de protection ne lui servirait pas à grand-chose. Bondissant de côté, il cracha au visage des différents soldats, espérant faire mouche et distraire ses ennemis le temps qu’il trouve une cachette.
Ce fut une réussite partielle, car autant la première vague de soldat sembla affecté par le crachat, autant la seconde fit aussitôt feu sur l’individu bondissant. Une balle lui effleura le bras blessé, une autre fut intercepté par sa veste et une dernière blessa son épaule, transperçant la veste déjà usée de son propriétaire. Ses blessures commençaient à être grave, mais au moins, aucune n’étaient mortelles… pour l’instant. Maintenant dissimulé derrière des bureaux de travail quelconque, il réfléchissait à la meilleure chose à faire. Il n’avait pas trouvé le sérum, alors s’enfuir était hors de question. Il avait au mieux perturbé les opérations de recherche pendant deux ou trois jours, mais c’était tout. Il entendait les soldats se déployer dans la pièce pour l’encercler, et ce n’était pas une bonne nouvelle.
Une idée, un peu folle, finit par le gagner. Regardant les 180 degrés de mur qu’il pouvait voir ainsi caché derrière son bureau, il nota 4 sources de lumières. Crachant rapidement sur chacune d’entre elle, la lumière devint beaucoup moins perceptive, mais pour l’instant les soldats pouvaient encore aisément le voir. Il devait y en avoir environ 6 dans la pièce : deux restaient face à lui, leurs armes braqués sur le bureau qui lui servait de couverture, deux autres longeaient le mur à gauche et les deux autres à droite. Ils ne réagirent pas lorsque la lumière disparut de moitié, continuant de viser le bureau. D’un bond, le Crapaud recula, provoquant les coups de feu de tous les soldats, mais son saut était rapide, et les armes qu’ils portaient étaient lourdes et difficile à manier. Il eut le temps de cracher sur les autres sources de lumières, du côté opposé de la pièce, avant de retomber. Une petite lumière de rien du tout pénétrait à peine la pièce. Les soldats se mirent à équiper leur vision nocturne, mais ils étaient beaucoup trop lents.
La langue du Crapaud frappa à sa gauche, arrachant les armes des mains des soldats, alors que la dague filait dans le masque d’un des soldats à sa droite. Un bond puissant le propulsa devant le deuxième gentil soldat de droite qui semblait prêt à tirer, mais un coup de pied l’envoya valser dans le mur. Pour lui et sa pauvre tête fracassée, la partie était terminée. Il restait deux soldats armés muni de leurs lunettes de vision nocturne, et deux autres soldats au pistolet, leurs armes étant toujours dans la langue du Crapaud. Tiens… il avait gardé leurs armes ?
Un Crapaud beaucoup trop excité, une arme dans chaque main, se mit à tirer partout alors que les soldats se cachaient pour éviter l’assaut de balles, tentant à chaque occasion de rendre le tir, mais ça leur était difficile. Pourtant Mortimer se doutait bien qu’il n’avait pas fait mouche, les soldats restant des gens entraînés qui avaient pour ordre premier : Ne pas mourir. Le Crapaud vidait les chargeurs de balles aussi vite que possible, brisant tout ce qui pouvait servir dans la pièce par la même occasion. Au moins, ça c’était du spectacle.
-WOOOOOOOOHOOOOOOOOOO !
Et dès que les chargeurs furent vide, il bondit vers la cachette des deux soldats les mieux équipés, les envoyant chacun valser dans un mur au moyen d’un puissant coup de pied. Il n’en restait que deux prêt à faire feu, mais ils devaient être nerveux. Le Crapaud, maintenant dans la cachette des deux précédents militaires, agita sa langue à sa droite et dès que les coups de feu se firent entendre, il la rétracta et sortit le tête pour leur cracher dessus. Ses coups firent mouche et les deux soldats étaient maintenant dans l’incapacité de tirer. L’un d’eux en fait ne pouvait plus respirer du tout, et c’est ainsi qu’il mourut. Le dernier avait un pied pris au sol et son propre fusil, collé contre son torse, visait son entrejambe. Hors d’état de nuire.
Vidant donc les poches d’un des soldats, il vola l’un de leur couteau, le sien trop plein de sang à son goût, et le mit dans ses poches. Après réflexion, il fit de même avec les autres, se retrouvant donc avec 5 nouvelles lames. Il mit aussi la main sur quelques bandages qui lui seraient nécessaire pour le moment. Il ne restait qu’un seul soldat vivant qui tentait toujours tant bien que mal de fuir. Exécutant une magnifique danse de la victoire, le Crapaud s’approcha, ses yeux globuleux à quelques centimètres de sa cible.
-Tu danses bien toi, et tes amis aussi… Là y’a du sang qui coule de leur orbite mais avant vous dansiez bien !
-Arrête… arrête toi et… et laisse moi !
-T’es un soldat où une lavette toi ? Bon j’fais un marché : j’te rends ta liberté, tu décampes d’ici et tout, mais en échange tu me dis où trouver le sérum anti-mutant qu’ils préparent. Méfie-toi, je te laisserai partir quand j’aurai tout fini ici, pas avant, alors j’peux revenir si ça me tente de mettre ta tête dans le cul d’un des autres cadavres.
-Prends… prends mon pass et… la porte là. L’étage… euh… euh… 7 je crois.
-Tu crois ?
-NONONON c’est bien 7 j’t’assure…
Au moins ça. Le soldat devait savoir que la mort seule l’attendait s’il mentait au Crapaud. Il se plaça devant lui, le fixa un instant avant de cracher sur la moitié du bas de son visage, l’empêchant de parler, mais lui permettant de respirer par le nez. Se disant que le soldat ne pouvait pas aller bien loin ainsi prisonnier, il lui retira son couteau à lui aussi avant de regarder un instant sa ceinture, de la défaire et de quitter les lieux par le couloir où les soldats étaient arrivés, laissant le seul survivant incapable de s’enfuir, de parler, et surtout cul nu. Le Crapaud riait à cette excellente idée qu’il avait eue avant d’appuyer sur un bouton qui lui ouvrit les portes de l’ascenseur.
Cliquant sur le gros bouton 7, le Crapaud utilisa les bandages qu’il avait récupérés pour panser ses blessures les plus importantes. Sa régénération ne l’affecterait pas avant plusieurs heures, alors qu’il serait au repos, dans un lit bien douillet, alors il devrait tenir le coup avec ça. Grimaçant de douleur, il limitait les mouvements de son épaule et de son bras blessé autant que possible, utilisant sa langue pour remplacer ses membres blessés. L’application du bandage n’était pas facile, mais il y parvint quand même au moment où les portes s’ouvraient sur un nouveau laboratoire.
Plus petit que celui du premier étage, il n’y avait qu’un scientifique dans celle-ci, qui travaillait encore malgré l’alarme qui continuait de résonner. Regardant en haut de sa tête, il ouvrit la grille du haut de l’ascenseur avant de cracher sur les câbles, empêchant celui-ci de monter s’il avait de la chance. Il sortit ensuite, s’approchant du scientifique aux cheveux hirsutes.
-Y’en a qui disent que quand y’a une alarme qui sonne y’a d’la merde quelque part. Moi j’sais pas, mais j’me dis qu’tu devrais les écouter.
-La connaissance n’attend pas.
-Bah non mais moi non plus et j’suis pas connaisseur ! Euh non c’pas ça que j’voulais dire putain…
-Ça n’a pas d’importance. Je suis sûr d’y parvenir.
-Parvenir à quoi ? Enrayer le gêne X ?
-Le gêne X ? Mais non la maladie qui massacre la planète. Au moins je suis à l’abri ici…
-Hein ? Non mais t’es timbré mec ! C’est la mutation ça. Retourne toi donc et tu verras ça ressemble à quoi ta soi-disant maladie.
Son interlocuteur se retourna enfin et posa les yeux sur le Crapaud avant de pousser un petit cri de surprise. La peau verte, les blessures, la langue, choisissez ! Il est vrai qu’ainsi il faisait peur. S’avançant d’un pas encore vers le scientifique, il tenta de lui expliquer calmement le but de sa visite ici.
-Soit t’abandonnes tes recherches soit t’es mort, choisi.
Calmement…
-Mais… mais la maladie qui ravage le monde…
-Qui t’a dit ça ?
-Et bien tous ceux qui travaillent ici ! Le gardien, les scientifiques…
-Le gardien ? Ah le mec avec des scies partout et l’aura rougeâtre. Ouais ben lui s’t’un mutant, et là s’t’un mutant mort. Alors t’as le choix mec : t’arrêtes ou tu meurs. Ton choix.
-Je… je ne comprends je pensais… je pensais aider les humains…
-Si, tu aidais les humains et c’est ça le problème. Nous on est mutants, et fier de l’être en plus. Alors ceux qui, comme toi, supportent les humains contre nous, ben on les tue. C’est simple et rapide.
-Je… je…. Laissez-moi j’ai une maladie à enrayer…
-Tant pis pour toi.
Sa langue surgit de sa gorge à une vitesse folle et s’enroula autour du cou du scientifique. Ses yeux se révulsèrent, il tenta de défaire l’étreinte de la langue, mais le Crapaud, mutant entrainé et puissant, en avait déjà vu de plus impressionnants. Pourtant, au bout de quelques secondes, sa langue se défit toute seule, libérant le scientifique qui peina à reprendre son souffle. Intrigué, Mortimer regarda sa langue qui semblait plus petite, mais qui reprenait graduellement sa taille normale.
-Ah ! C’est toi qui annule notre gêne, c’est pas une potion ou un sérum ! Ah mais c’que t’es une plaie alors !
Un lancer de couteau bien placé mit fin à la vie du pauvre scientifique. Enfin, c’est ce que le Crapaud alors qu’il se retournait, prêt à s’en aller chez lui reprendre une bonne partie de Left 4 Dead 2, mais un bruit attira son attention… et il ne dût qu’à ses réflexes et à son agilité d’éviter de recevoir une dague dans l’épaule. Maintenant sur le ventre, il se retourna sur le dos rapidement afin de faire face à son adversaire qui n’était autre que ce même scientifique… avec une langue semblable à celle du Crapaud sorti de sa bouche.
-Oh non mais c’est pas vrai ! C’est mon pouvoir ça espèce de connard plein de salive !
-Plus maintenant on dirait. Tu m’as éclairé sur beaucoup de choses, batracien. Alors le truc sur lequel je travaillais… c’était le gène mutant. Intéressant. Je pourrais donc absorber tous les échantillons qu’on m’a fournis !
-Euh…
Oh merde… le Crapaud était déjà suffisamment blessé ainsi, avec une lame lui ayant fait une belle tranche le long du bras, et l’idée d’affronter un autre mutant aux multiples pouvoirs ne l’enchantait guère. Pourtant, il avait ses ordres, et ses ordres venaient de Magneto, son chef, et les ignorer revenait à renier l’amitié qui l’unissait au dirigeant de la Confrérie. Il ne pouvait pas se le permettre. Au moins il bénéficiait toujours de sa grande force musculaire dans les jambes et de son crachat, quoi qu’il doutait de l’efficacité de la deuxième option : au premier tir, son adversaire pourrait faire feu sur lui à son tour.
Bondissant donc avant que son adversaire ne tente d’absorber d’autres échantillons, Mortimer tenta de lui assener un puissant coup de pied sur le nez. Technique assez rapide et bâtarde, facilement évitable, mais qui au moins déconcentra son ennemi assez longtemps pour l’éloigner de sa table de travail et de ses précieux échantillons. Cependant, alors que le Crapaud, après cette attaque ratée, se retournait vers son adversaire, il reçut un coup de langue sur le front qui le fit tituber légèrement, et la langue ennemie en profita pour attraper l’une de ses jambes pour le soulever de terre. C’était injuste ! Tout le temps qu’avait dû prendre le Crapaud à s’entraîner pour que sa langue soit aussi forte, l’autre en profitait ! Usant d’une de ses dagues, il visa la langue qui le retenait prisonnier, la faisant lâcher prise. Le confrériste se réceptionna… euh non tomba en fait directement sur sa tête, le laissant quelque peu sonné.
Le scientifique en profita aussitôt pour s’élancer vers le plan de travail. Saisissant des échantillons au hasard dans différentes fioles, il se mit à les ingérer rapidement, espérant ainsi gagner des pouvoirs de plus en plus impressionnants. Mortimer se remettait quant à lui de sa chute désastreuse, mais il n’avait pas le temps de l’arrêter. Il lança une dague avec sa main en bon état, mais visa trop à gauche et fit simplement exploser une fiole de plus. Le scientifique se retourna vers lui, satisfait de la situation.
-Bon bon bon… toute la connaissance de ses ADN… c’est moi qui les ai maintenant…
-Ben essaie les alors ! Tire des boules de feu, lance des éclairs, fait ton truc quoi. Après de toute façon j’t’exploserai la tête.
-Tu essaies encore de faire le malin à ce que je vois. Fort bien, tu l’auras voulu.
Il ouvrit la bouche, et le Crapaud s’attendit à ce qu’un jet de flamme jaillisse de celle-ci, tel un dragon. Ce fut uniquement un jet de morve semblable à celui de Mortimer qui sortit de la bouche du scientifique. Roulant sur le côté, le Crapaud évita l’attaque et comprit ce qui se passait : son don n’était pas d’annuler ou de copier les pouvoirs qu’il avait touché, mais simplement d’avoir le même pouvoir que le ou les mutants auprès de qui il se trouvait. Il ne pouvait pas savoir s’il aurait toujours ses pouvoirs si le Crapaud s’éclipsait, mais il n’avait pas le temps de vérifier. Il avait tout de même réussi à se sortir de l’étreinte de sa langue, ce qui était bien plus impressionnant que ce que les simples humains pouvaient faire.
-T’es nul ! Tu sais même pas tirer du feu tu fais que vomir !
-Cesse donc ! Tu vas goûter à ma furie…
-Bah… j’ai faim mais pas tant…
Le scientifique ne le laissa pas continuer et ouvrit la bouche de nouveau, crachant en direction d’un Crapaud maintenant remis du choc précédent. Usant de ses jambes puissantes, il bondit se planquer derrière un meuble quelconque, attendant que l’assaut ne cesse. C’était sans compter sur la force de son adversaire qui se servit de sa langue pour lancer une dague, récupérée plus tôt, au travers du meuble. Le Crapaud ouvrit grand les yeux quand il vit la lame passer au travers de sa protection, à quelques centimètres de son visage. Se décollant aussitôt, il se dit qu’il ferait bien de passer à l’attaque lui aussi s’il ne voulait pas finir en bouillie.
Se retournant sur le dos, il donna un autre coup de pied puissant et sec sur le meuble pour le faire foncer vers le scientifique qui se jeta sur le côté pour éviter le projectile. Le Crapaud n’attendit pas qu’il se redresse pour foncer, usant de sa langue pour prendre appui sur un mur et se propulser plus rapidement encore sur son ennemi. Alors que le scientifique se redressait, il le frappa durement au visage, et celui-ci se plia à l’envers à cause du choc, mais, bénéficiant des pouvoirs du Crapaud, sa colonne était très solide et pouvait supporter un choc pareil. Son visage cependant n’avait pas la même résistance et des blessures plus ou moins évidentes étaient maintenant visibles sur celui-ci. Se remettant péniblement debout, le scientifique tenta d’attaquer de nouveau avec sa langue, qui fit un mouvement brusque mais pas assez précis que Mortimer évita aisément. Le fou de scientifique ne savait pas se servir convenablement de ses pouvoirs, il avait au moins un avantage, mais il devait le tuer, il devait frapper une fois, fort et précis.
D’un geste vif, il lança un objet dans les airs qu’il attrapa avec sa langue, puis ramena celle-ci dans sa bouche qu’il referma. Devant l’air ahuri de son adversaire, le Crapaud se contenta de sourire, la bouche fermée, avant de foncer de nouveau à l’attaque. Le scientifique bondit, évitant les assauts et tirant dès que possible des boules de crachats pour ralentir Mortimer, mais c’était inévitable : ne maîtrisant pas pleinement ses pouvoirs, il rata l’un de ses sauts et se retrouva au sol, sur le côté. Crapaud ne manqua pas une opportunité pareille et, d’un coup de pied, le fit rapidement tourné sur le dos. Ses pieds vinrent immobiliser les siens, ses mains se plaquèrent sur ses poignets, et un duel de force s’engagea. Le scientifique essayait de se redresser, et son pouvoir commençait à gober celui du Crapaud, mais celui-ci se contenta simplement de sourire, les lèvres closes. Usant de sa langue, le chercheur tenta d’étrangler son ennemi, profitant du fait que le Crapaud n’utilisait pas encore sa langue…
Mais le Crapaud avait prévu ça, et lorsqu’il desserra enfin les lèvres, sa langue jaillit, tenant la dague qu’il avait lancée plus tôt dans les airs, et se planta dans le front de sa victime.
Le combat était terminé. Crapaud tomba sur le côté, tentant de reprendre son souffle. Ses blessures s’étaient à nouveau ouvertes et il aurait besoin de soin évident cette fois. Par moyen de s’en sortir avec sa régénération naturelle, il n’aurait pas le choix de voir un stupide docteur. Il resta ainsi quelques minutes jusqu’à ce que des bruits ne parviennent à ses oreilles. L’ascenseur. Quelqu’un actionnait l’ascenseur. Les morceaux de crachats solidifiés qu’il avait mis sur les câbles ne tenaient plus. Se relevant doucement, il regarda les portes fermées qui cachaient son moyen de sortie qui lui remontait, le laissant seul dans le laboratoire du 7e étage. Il devait partir et vite…
Ouvrant les portes d’un coup de pied bien rapide, il se plaça sous l’ascenseur qu’il voyait remonter. Bondissant, il se colla sous celui-ci, l’utilisant ainsi à l’insu des gens qui allaient sans doute entrer dans un des étages plus haut. Comptant dans sa tête, il nota : 6e, 5e, 4e, 3e, 2e, … DING. Bon, au moins il n’était pas resté trop bas, il n’aurait qu’un étage à monter. Se glissant sur le côté de l’ascenseur, il grimpa doucement, silencieusement, afin de passer par-dessus celui-ci, et sauta alors que l’ascenseur redescendait, sans doute au 7e étage, pour voir ce qui se passait. Le Crapaud était maintenant devant la porte fermée du grand laboratoire où il avait affronté les soldats, et d’un bon coup de pied, il ouvrit les portes.
Quelques scientifiques étaient revenus dans la salle, mais aucune trace des soldats, excepté celui que le Crapaud avait laissé là, pris au piège et incapable de parler. Il se contenta de lui faire un clin d'oeil avant de bondir vers l’entrée par laquelle il avait pénétré le complexe de recherche. Il devait faire vite avant que quelqu’un de plus armé ne lui tombe dessus. Ouvrant la porte, il se retrouva dans le noir absolu, et chercha à tâtons le levier qui avait ouvert la trappe extérieur. Soulage lorsqu’il la heurta avec son front, il l’actionna, faisant ouvrir devant lui sa chance de salut. Il n’attendit pas qu’elle soit complètement ouverte, déjà derrière lui il entendait des bruits. Il s’éclipsa, évitant le champ de lumière maintenant rallumé à l’extérieur, et disparut dans la forêt.
Après une journée de marche, de recherche de nourriture, de cachette et de sommeil, il finit par atteindre la boule métallique de Magneto. Au moins aurait-il la paix pour le voyage du retour. Il avait suffisamment perturbé les opérations de l’organisation pour satisfaire son patron. Il ne lui restait plus qu’à fermer la porte, à s’endormir et à attendre qu’il soit devant son mentor.